Emploi : la rupture conventionnelle risque-t-elle de pénaliser les salariés ?

13 Sept. 2023

À partir du 1er septembre de cette année, les employeurs devront supporter des coûts plus élevés en cas de ruptures conventionnelles. Une nouvelle règle impose une contribution unique de 30 % sur le montant de l'indemnité de rupture conventionnelle, remplaçant ainsi le précédent forfait social de 20 %.

Cette contribution s'appliquera à toutes les ruptures conventionnelles, y compris celles des salariés qui n'ont pas encore atteint l'âge de la retraite. Il est également important de noter que la contribution sur les indemnités de mise à la retraite sera désormais alignée sur celle des ruptures conventionnelles, passant de 50 % à 30 %.

 

Protection des seniors contre les mises à la retraite déguisées

L'augmentation de la contribution associée à la rupture conventionnelle découle de la volonté du législateur de s'attaquer aux abus présumés de cette procédure par les salariés qualifiés de "seniors", proches de la retraite, qui pourraient l'utiliser comme une forme de préretraite déguisée. Cette mesure vise également à préserver les emplois des travailleurs plus âgés.

Cependant, des interrogations légitimes surgissent quant à savoir si cette intention noble constitue réellement la motivation principale derrière la taxation plus lourde de la rupture conventionnelle, ou si d'autres raisons sous-tendent cette décision.

Pour mieux comprendre, un bref retour en arrière s'impose. La rupture conventionnelle a été introduite en 2008, marquant ainsi ses 15 ans d'existence. Elle s'inscrit dans le cadre de la flexisécurité du travail, visant à simplifier les ruptures pour les employeurs sans risque de litiges, tout en offrant aux salariés une attestation Pôle Emploi et des allocations chômage.

Cette procédure se caractérise par sa rapidité, permettant au salarié de quitter l'entreprise en un mois, un avantage pour les employeurs qui évitent ainsi de payer un préavis, notamment pour les cadres avec un préavis de trois mois. De plus, elle offre une sécurité incontestable à l'employeur, étant pratiquement à l'abri de tout contentieux. Pour qu'un salarié puisse contester une rupture conventionnelle, il doit prouver un vice du consentement, ce qui s'avère extrêmement difficile.

De leur côté, les salariés bénéficient d'une attestation Pôle Emploi, facilitant l'accès aux allocations chômage, les incitant à privilégier la négociation d'une rupture conventionnelle plutôt que de démissionner. Toutefois, malgré ces avantages, l'augmentation de la contribution soulève des questions quant à ses véritables motivations.

 

Et si c'était vraiment pour économiser ?

La rupture conventionnelle connaît un immense succès en France. Selon un rapport de la DARES de 2021, pas moins de 454 000 ruptures conventionnelles individuelles ont été homologuées, et cette tendance à la hausse se poursuit. Ce mode de séparation est préféré à la démission et au licenciement, car il offre une sécurité juridique aux employeurs, limitant ainsi les risques de contentieux. Toutefois, cela a un coût pour l'État, car il doit indemniser les travailleurs qui ne retrouvent pas d'emploi.

Face à cette augmentation des ruptures conventionnelles, le législateur a introduit en 2013 un forfait social de 20 %. Malheureusement, cela n'a pas découragé l'utilisation de cette option. Ainsi, dans la loi du 14 avril 2023 sur le financement rectificatif de la sécurité sociale pour 2023, une nouvelle augmentation du coût de la rupture conventionnelle a été décidée, peut-être pour dissuader les employeurs.

Cependant, cette décision est justifiée en prétendant qu'elle vise à encourager la retraite plutôt que la rupture conventionnelle, avec l'objectif de maintenir les emplois des travailleurs seniors. Il reste à voir si cette incitation à la retraite sera réellement efficace et si les travailleurs seniors optent massivement pour la rupture conventionnelle.

En somme, la rupture conventionnelle demeure une option populaire malgré les tentatives législatives visant à en freiner l'utilisation. Le coût pour l'État et la volonté d'économiser sur les prestations chômage sont des préoccupations sous-jacentes à ces mesures, même si elles sont justifiées en mettant l'accent sur l'incitation à la retraite et la préservation des emplois des travailleurs âgés.

 

Les désavantages de l'ancienneté ?

Les données de la DARES pour l'année 2021 remettent en question l'idée que les seniors utilisent massivement la rupture conventionnelle pour obtenir une préretraite financée par les allocations chômage. Au contraire, elles indiquent que l'augmentation la plus marquée des ruptures conventionnelles concerne la tranche d'âge de 30 à 39 ans, tandis que chez les plus de 50 ans, cette augmentation est plus modérée. Une note de Bruno Coquet du Conseil d'orientation pour l'emploi va dans le même sens, soulignant l'absence de preuves pour soutenir cette hypothèse.

En somme, il n'y a pas d'élément solide étayant l'idée que les seniors abusent de la rupture conventionnelle pour prendre leur retraite anticipée avec des allocations chômage.
Cependant, l'augmentation du coût de la rupture conventionnelle s'inscrit dans la politique gouvernementale de réduction des prestations chômage, ce qui représente une nouvelle source d'économies après l'introduction de la présomption de démission en cas d'abandon de poste.

La question clé est de savoir si cette augmentation du coût incitera les employeurs à recourir moins souvent à la rupture conventionnelle. Il est à noter que la mise en place d'un forfait social en 2013 n'a pas freiné son utilisation, mais la situation économique était alors plus favorable. Aujourd'hui, cette hausse pourrait davantage pénaliser les seniors, qui ont une longue ancienneté, mais ne sont pas encore en âge de prendre leur retraite. Cela dit, pour les salariés avec une ancienneté plus courte, une augmentation de 10 % du coût aura moins d'impact.


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